Tunisie : La démocratie du dégagisme
En France, Jean Luc Melenchon, et son mouvement la France Insoumise, en ont rêvé, les tunisiens l'ont fait : « dégager » toute la classe politique en place. Classe politique composée, d'une part, des héritiers à des titres divers des présidences Bourguiba et Ben Ali, et d'autre part, du parti d'obédience islamique Ennahda et de la mouvance de l'islam politique tunisien et international.
4 octobre 2019 à 17h35 par tarek Mami
En France, Jean Luc Melenchon, et son mouvement la France Insoumise, ont en rêvé, les tunisiens l’ont fait : « dégager » toute la classe politique en place. Classe politique composée, d’une part, des héritiers à des titres divers des présidences
Bourguiba et Ben Ali, et d’autre part, du parti d’obédience islamique Ennahda et de la mouvance de l’islam politique tunisien et internationale. Parti et Mouvance débarqués en Tunisie, en janvier 2011, sous l’hymne du prophète de l’islam à son arrivée dans la ville de Médine, après avoir quitté sa ville natale Makka, (Chanson Talaaa Al Badrou
alaina), après le « dégagement » du président en place, depuis 23 ans, (1987 – 2011), Zine Al Abidine Ben Ali, qui lui-même avait « dégagé », le 7 novembre 1987, le président fondateur de la République Tunisienne Habib Bourguiba, en place, depuis 30 ans (1957 – 1987).
La Tunisie est aujourd’hui, un pays mosaïque ou coexiste et s’entrechoque un émiettement et un éclatement idéologique, politique, et économique (en termes de revenus), et une homogénéité culturelle extraordinaire : Objectif libertés et démocratie.
Dimanche 15 septembre 2019, à 20heures, les sondages « sorties des urnes », produits par deux instituts tunisiens (Sigma Conseil et Emrod) ont donnés les tendances et les projections des futurs résultats du premier tour des élections
présidentielles anticipées du 15 septembre 2019 (élections prévues en novembre 2019 et avancées à la suite du président). En Tunisie les élections sont organisées, depuis 2011, et la chute du régime du président Ben Ali, non par le ministère de l’intérieur, comme un peu partout dans le monde, par l’ISIE, Instance Supérieure Indépendante pour les Élections.
Résultats des sondages « sortie des urnes », qualifiés de « ZILZAL » ou « Tremblement de terre » pour les uns, « Tsunami » pour les autres. En fait ce n’est pas tout fait exacte. Les résultats annoncés par les sondages « sorties des
urnes » correspondent aux résultats d’une longue série de sondages effectués de Mai 2019 à la veille du scrutin, le 15 septembre 2019. Des sondages, dans une première phase, produits et mis à la disposition du public, jusqu’à la mi-juillet, soit deux mois avant la tenue du premier tour de la présidentielle. Puis, dans une seconde phase (15 juillet au 15 septembre), dans une hypocrisie, dont la nouvelle démocratie tunisienne, en a le secret, parmi tant d’autres. Des sondages sont commandés par les différents partis politiques, et autres lobbys et groupes de pression, avec interdiction de les mettre à la disposition des citoyens.
Mais comme à hypocrisie il y a toujours hypocrisie et demi, les résultats de ces sondages autorisés de commande, interdits de publication, circulent sous les « Djebba » (Robe ample que porte les tunisiens l’été, car il fait trop chaud pour porter des manteaux), comme pour maintenir la tradition des samizdats, du temps des « démocraties populaires », du giron de l’ancienne union soviétique. Et que disent ces sondages, auxquels la rédaction de France Maghreb 2 a toujours eu accès ? Une banalité au vu de l’annonce des résultats des sondages « sortie des urnes » : les Tunisiens ont sélectionné pour le deuxième tour, Messieurs Kais SAID et Nabil KAROUI. Soit très exactement les deux candidats qui sont données régulièrement gagnants et sans discontinuité dans les sondages rendus publics et dans les sondages restés clandestins.
L’expression « Tremblement de terre », elle-même a barré la une du très sérieux quotidien tunisien Le Maghreb, lors de la publication des résultats d’un sondage le 5 mai 2019, produit déjà par l’institut Sigma Conseil. Cette même expression « ZILZAL » ou « Tremblement de terre » est de nouveau réutilisé par le même quotidien Le Maghreb, quelques semaines plus tard, le 12 juin 2019, en titrant « Et le tremblement de terre continue ».
Il n’y a donc pas plus aveugle que celui qui ne veut pas voir !!! La surprise, s’il y en a une c’est l’inversion des résultats de tous les sondages de Mai à septembre. Les sondages donnaient, publics et clandestins donnaient systématiquement Monsieur Nabil KAROUI en première position et Monsieur Kais SAID en seconde position. Les sondages « sortie des urnes », ont inversés ce classement en plaçant Monsieur Kais SAID sort en première position et Monsieur Nabil KAROUI se place en seconde position.
Les jeux étaient donc faits depuis la publication du sondage de Sigma conseil dans le quotidien Le Maghreb. Et Rien n’y a changé. Ni le lancement de la campagne électorale. Ni les 98 candidatures déposées à l’ISIE. Ni l’annonce officielle de la candidature de 26 candidats, dont un ancien Président de la République (Moncef Marzouki), deux anciens premiers ministre (dit chef de gouvernement), (Hammadi Jebali et Mehdi JOMAA), un premier ministre en exercice (Youcef Chahed), un vice-président de l’assemblée nationale tunisienne (ARP assemblée des représentants du peuple), devenu président de cette assemblée par intérim, plusieurs anciens ministres, dont, notamment Madame Salma ELLOUMI et Monsieur Mohamed ABBOU.
La classe politique en place, et une large partie des médias et des faiseurs d’opinion, tunisiens, (notamment via les réseaux sociaux, principalement Face Book, et ses pages sponsorisées, destinées à salir les adversaires et à « sponsoriser » les infox et les fakes, à leur égard), sont restés, sourds et muets aux résultats continus des sondages publics et clandestins qui plaçaient KAROUI et SAID en tête.
Un aveuglement total et incompréhensible. C’est comme s’il y avait deux Tunisie qui vivent en parallèle, et comme toutes les parallèles ne se rejoignent jamais, la classe politique n’a pas vu, ou voulu voir, venir son rejet massif, par la population, et n’a pas voulu prendre en considération les résultats des sondages qui ne leur étaient pas favorables. Les partis politiques ont continué à commander de nouveaux sondages, avec boulimie, espérant voir surgir une lumière au fond du tunnel. Et cette lumière ne s’est jamais allumée.
Les candidats du système, comme il se dit en Tunisie, ont dépensé, dans leur campagne électorale, une orgie d’énergie folle, doublée de dépenses financières faramineuses, pour saturer le paysage politique du pays, en espérant saturer les esprits des électeurs et les ramener dans leur giron, pour les amener à déposer un bulletin à leur nom dans l’urne, le jour fatidique.
Et pourtant ils ont été tous balayés par deux candidats "anti-système", même si Monsieur Nabil KAROUI a appartenu au système. Monsieur Nabil KAROUI a participé à la création, du système dit du TAWAFAQ (entente entre les partis – unanimisme). Il a notamment aidé Feu Béji Caid ESSEBSI à créer son parti Nidaa Tounes, l’a soutenu, pendant la campagne électorale présidentielle et législative de 2014, a participé largement à son élection comme président de la République tunisienne, et à le faire obtenir le premier groupe parlementaire.
Last not the least, Monsieur KAROUI a participé à la création du système, en participant à l’organisation de la réunion de Paris (14 août 2013 - Hôtel Bristol), entre les deux leaders de l’époque. L’islamiste au pouvoir chef de la Troïka politique, qui gouvernait le pays, Rached GHANNOUCHI, et libéral chef de l’opposition Béji Caid ESSEBSBSI. Réunion co-organisée, dit RTT (Radio Trottoir Tunis), par le magnat des finances, et président du club de football tunisois (le club africain), Slim RIAHI (candidat à la présidentielle du 15 septembre 2019) et le magnat des médias tunisiens , Nabil KAROUI, (candidat à la présidentielle de du 15 septembre 2019).
L’ISIE est venue proclamer les résultats officiels et le passage au second tour de Monsieur Kais SAID (18.8%) et de Monsieur Nabil KAROUI (15.5%). Elle n’a fait, en réalité, qu’entériner les résultats des sondages « sortie des urnes », et en définitive les résultats du premier sondage réalisé par l’institut Sigma Conseil, pour le quotidien Le Maghreb, dès le 5 mai 2019, et l’utilisation dans la presse tunisienne pour la première fois de l’expression « Tremblement de terre ». OUI !!! Il n’y a donc pas plus aveugle que celui qui ne veut pas voir !!!