Islam DE France ou Islam EN France
Les termes retenus pour décrire l’Islam français et ses nombreuses fédérations constituent un champ lexical impropre. Il lui est à la fois exogène et imposé.
1er février 2022 à 19h46 par Tarek Mami
Ce champ lexical, qui n’est pas encore exploré, ni passé par les filtres de la critique, notamment, par les principaux intéressés, fait des citoyens de confession ou de culture musulmane, croyants ou pas, pratiquants ou pas, un simple objet d’études.
Déshumanisé et devenu objet, ce citoyen n’est pas scruté pour ce qu’il dit ou fait, cela importe peu, l’exposition lexicale s’attache à ce qu’il est, ou plus grave, censé être, du point de vue de ces « nouveaux analystes experts », pour qui les expressions « territoires perdus » et « territoires conquis », suffisent, souvent, à contenir le débat.
En droit administratif, on parle de légalité interne et de légalité externe. Dans le champ politico-médiatique français, le temps d’exposition fait la part belle et priorise les intervenants, dont l’expression lexicale, devenue leur doxa partagée, est très majoritairement développée sans contradicteurs. Ils sont « ceux qui en parlent » et trustent la parole au détriment de « ceux dont on parle ». Ce champ lexical renvoie systématiquement vers l’étranger, quasiment jamais vers le territoire national.
Il illustre toute l’ambiguïté de sa situation psycho-sociologique et de récit national non partagé. On parle d’islam français et on y accole quasi-automatiquement les termes consulaire, étranger, algérien, marocain et turc. Il en est ainsi la fédération de la grande mosquée de Paris dite algérienne. Des deux fédérations RMF et UMF dites Marocaines. Des deux fédérations CCMTF et CIMG dites Turques. La fédération MF (anciennement UOIF) est dite émanation des frères musulmans. Et la fédération Foi et pratique, est dite proche du mouvement rigoriste Tabligh, une mouvance d’essence afghano-pakistanaise.
Avec ces habillages linguistiques, qui renvoient toujours à ailleurs, l’islam français est (mal) habillé pour plusieurs décennies encore. Il apparait comme une religion fragmentée sur des bases géographiques, ethniques et linguistiques, malgré la compilation des générations, et non sur des bases doctrinaires et théologiques comme l’est, par exemple, la representation de la religion chrétienne. La deuxième religion française est ainsi la seule religion qui fait débat entre EN et DE. Les autres familles spirituelles échappent à ce dépeçage géo-religieux.