Violences policières : Nuit mouvementée pour KLS la Rafale Vigneux Sur Seine
Au cours d'une Interview au milieu de l'année 2010, Sear Get Busy, prédit dans une sentence terrible le malaise des jeunes générations qui tentent leur chance dans le « Rap Game » : « si le rap nous a permis de sortir des quartiers difficiles, aujourd'hui il en enferme plus d'un ».
Publié : 22 avril 2020 à 15h40 par Mazdak Vafaei Shalmani
KLS
Crédit : LB
KLS La Rafale appartient à cette jeunesse qui tente de renverser l’ordre des choses « armé d’un stylo à bille » (Akhenaton – « Même les Anges »). Le jeune se démène dans le Rap en indépendant (avant de signer en Major) entre débrouille et investissements forcés. Comme dans Game Of Thrones, les rappeurs ont tous une fratrie, un département, qu’ils représentent, ardemment, à leur corps défendant. « Nos parents ont construit des bâtiments afin qu’on y meure dedans » (Demi-Portion – Dico 5). Alors, pour certains, ce quartier, source de toutes les discriminations est aussi le ferment de la fierté de ceux qui ne doivent rien à personne et surtout pas à l’Etat. C’est ce que certains appelent le « patriotisme de cage d’escalier » (Claude Bartolone). KLS représente le 91. Il habite entre Vigneux Sur Seine et Montgeron Crosne.
Ce mercredi 11 Mars, quelques jours avant que le Président Macron ne prive la France de sortie, il subit un contrôle de police plus que musclé. Au-delà des faits, c’est l’histoire d’un rappeur qui tombe nez à nez avec ce qu’il dénonce au quotidien dans une dramatique rencontre des mondes. KLS pénètre, sans préalable, dans l’instant où la fiction rejoint la réalité. KLS n’a jamais été un rappeur conscient, mais les dérives l’ont rattrapé.
Ce mercredi 11 Mars, à 22 h 50, KLS arrive dans son quartier. Vers 23 h 15, les choses commencent à se gâter. Une brigade de police effectue un contrôle de routine : « Les policiers descendent pour effectuer un contrôle de routine sur un jeune sur le trottoir du côté rue des Ancolies au niveau du carrefour Edelweiss. ». Huit jeunes impuissants assistent à ce qui aurait pu être un tournage de film : la puissance publique entre en scène. Il y a comme des « Odeurs de Soufre » (NTM – « Odeur de Soufre »), le rappeur tente de s’échapper calmement. Mais l’un de ses amis déclare : "non tranquille on est dans notre cité on ne fait rien de mal on a le droit de rester on n’est même pas à côté d'eux".
C’est ici que les versions divergent. La version des agents de la BAC, rapportent que les 8 jeunes résistent au contrôle de police. Pour la police KLS (aurait) traité l’agent de police de « Fils de P… » avant que les choses ne s’enveniment. C’est ce qui ressort du procès-verbal qui a été dressé dans la foulée du contrôle. La version des jeunes et KLS rapporte un tout autre son de cloche, images à l’appui. La vidéo du contact jeunes –police, ne corrobore pas, de toute évidence, la version des agents de la Police judiciaire.
KLS déclare : à 23 h 25, J’ai commencé à m'éloigner, un pote m'a suivi, celui qui filme la vidéo. Le reste du groupe est resté sur le trottoir d'en face à observer le contrôle. Pendant que nous commencions à marcher les bakeu du Skoda ont passé un appel au talkie pour demander du renfort. Alors Dramane leur a demandé :"Pourquoi du renfort ?" Et là d'un coup comme piqué dans son estime, j'ignore pour quelle raison d'ailleurs un des policier (Clément Gallopin) s'est avancé subitement devant lui et lui a assener un coup directement avec le flash ball sur le torse. Dramane s'est mis à suffoquer, le coup l'a fait reculer de 2/3 pas en arrière, il avait clairement le souffle coupé, il n'arrivait pas à respirer. ».
KLS ajoute que la situation s’envenime encore un peu plus car à 23 h 27, et précise : « Voyant la scène en retrait à environ 15/20m, j'ai crié "Pourquoi il t'a fait ça ?!" Et là BAAAW instantanément le coup part, il me tire dessus au flash ball dans le pied. Alors je me suis retourné pour partir en boitant en direction du Grand parc à l'Oly. Mon ami qui filmé a pris la fuite. Les policiers m'ont interpellé sur le champ. C'est une autre voiture (une de celle venu en renfort) qui m'a embarqué. »
La soirée de KLS ne fait que commencer. Il va être trainé de commissariat en commissariat pendant que sa jambe a subi un traumatisme douleureux. Dans un premier temps, KLS est emmené au poste de Draveil avant l’arrivée de l’agent qui lui a tiré dessus au flash Ball. Il rapporte : « Arrivé au commissariat de Draveil déjà la douleur était insoutenable. J'ai discuté avec le chef de poste 5 min et l'équipe de Clément Gallopin est arrivée au commissariat. Ils m'ont palpé et effectué une verif. À la fin de la verif j'étais envahi par la haine quand on m'a dit que "la simple vérif' " se transformait en mise en garde à vue.
KLS rapporte qu’un agent lui annonce ensuite que c’est au commissariat de Montgeron de gérer l’affaire. Il entre dans une rage folle. A ce moment précis, la Rafale avoue s’être un peu emporté. En revanche il nie avoir réagi avec véhémence au moment du contrôle de Police.
Les agents de la BAC veulent emmener le jeune au commissariat de Montgeron. Malgré ses vives protestations, c’est son « présumé agresseur » qui l’emmène lui-même au poste de Montgeron avec un traumatisme à la jambe :
« J'étais dans le commissariat depuis environ 20 min devant les cellules de garde à vue et on m'annonce finalement que c’est commissariat de Montgeron de gérer cette affaire. C'est même la brigade de l'agent à la gâchette facile qui devait m'emmener à Montgeron. Paniqué à l'idée de remonter avec ce psychopathe j'ai fait un scandale de 5 min pour ne pas monter avec lui mais ça n'a pas marché ils ne voulaient rien savoir. C'est Clément Gallopin en personne qui a conduit. Une fois au commissariat de Montgeron je leur disais que j'avais trop mal au pied et que je voulais voir un médecin. On m'a fait patienté puis on m'a placé en garde à vue tel quel. J'ai attendu environ 2h avant qu'on vienne me chercher en cellule pour qu'on aille au commissariat de Brunoy pour voir le médecin. Tout ça pour que le médecin dise qu'il ne peut rien faire mais qu'il faut en revanche faire une radio à l'hôpital de Villeneuve-Saint-Georges. »
Vers 3 h 30 du matin à Villeneuve Saint Georges, il apprend, que la radiographie indique qu’il souffre d’une « contusion et un traumatisme au pied gauche ». Il est désormais au repos : « Le médecin de l'hôpital m'a bandé le pied et m'a dit que sa serait douloureux les semaines à venir. »
Il est reconduit au commissariat de Montgeron ou il passe la nuit. Il est libéré vers 13 h le lendemain. KLS sera jugé dans quelques mois pour « Outrage ».