Le «Dôme de fer» révolutionne la défense israélienne

9 juillet 2014 à 14h44 par La rédaction

Les nouvelles batteries antimissiles de l'Etat hébreu ont intercepté 85 % des roquettes tirées depuis Gaza en novembre.


Envoyée spéciale à Tel-Aviv, Jérusalem et Beersheba
Le nouveau bijou de l'armée israélienne est jalousement gardé par les officiers de l'Ecole de défense active, au sud de Beersheba, dans le désert du Néguev. Un radar dans une boîte noire, une salle de contrôle dans un cube gris et des lanceurs bien alignés sur la terre sableuse, qui brillent au soleil couchant.
Pendant la dernière intervention militaire israélienne à Gaza, en novembre, ces petites installations, qui ressemblent plus à un jeu de Lego géant qu'à des armes de guerre, ont fait des miracles. Pour Denis Charbit, professeur de sciences politiques, aucun doute: «Iron Dome» (le «Dôme de fer»), le nouveau système de défense antimissile israélien, est «le principal vainqueur» de l'opération «Pilier de défense» menée par les avions bombardiers de Tsahal. Testées pour la première fois en grandeur réelle, les cinq batteries amovibles d'Iron Dome, sortes d'avatars des robots de La Guerre des étoiles, ont réussi à intercepter 85 % des roquettes palestiniennes tirées par le Hamas contre les villes israéliennes. Ce sys­tème à la fois sophistiqué et intelligent, capable de sélectionner, pour les détruire, les projectiles devant s'abattre sur des zones habitées, le tout en 15 secondes, est en train de révolutionner la pratique de la guerre israélienne.
«Sans Iron Dome, nous aurions dû déclencher une opération terrestre à Gaza, car nous aurions eu une cinquantaine de morts. La pression de l'opinion publique aurait contraint le gouvernement à s'engager davantage», affirme, sans hésiter, un général de réserve. Pour la première fois dans la guerre éternelle qui oppose Juifs et Palestiniens sur la Terre sainte, le Hamas disposait de roquettes capables d'atteindre Tel-Aviv et Jérusalem. Grâce au «Dôme de fer» qui protège désormais les populations ci­viles, Israël a pu mener une guerre courte et plus propre que d'ordinaire. «Nous avons pu nous organiser calmement et prendre le temps de choisir précisément nos cibles et la manière la plus précise de les attaquer afin de réduire le plus possible les dégâts collatéraux», explique un responsable militaire. Six victimes israéliennes, 160 palestiniennes. C'est encore trop. Mais, comme le remarque Amos Harel, le spécialiste en matière de défense du quotidien Haaretz, «c'est moins qu'une journée de combats en Syrie».
«Frappes ciblées et limitées»


D'un point de vue militaire, l'opération fut un succès. Tsahal avait engagé ses chasseurs pour faire cesser les tirs de projectiles lancés depuis la bande de Gaza contre les villes israéliennes. En quelques jours, «90 % des munitions à longue portée et 60 à 70 % des roquettes à courte et moyenne portée ont été détruites», affirme Amos Harel.
Depuis son «point d'observation», sous les palmiers, face aux immeubles de la ville de Gaza, le commandant Jonathan scrute l'horizon. Il liste les roquettes - 10.000 - envoyées contre Israël depuis dix ans. «Les tirs contre les villes frontalières étaient devenus insupportables.» Aujourd'hui le calme est revenu, même si, comme toujours dans la région, il reste «fragile».
Cette modération tranche avec les opérations militaires précédentes, qu'il s'agisse de la guerre contre le Hezbollah au Liban en 2006 ou celle de Gaza en 2008. «La conduite de la guerre était jusque-là le point faible d'Israël, même si la communauté internationale nous reconnaissait le droit à la légitime dé­fense», commente Denis Charbit. Le rapport Goldstone, qui avait dénoncé une réaction disproportionnée lors de l'opération «Plomb durci» à Gaza en 2008, et les critiques internationales ont laissé des traces. «Nous en avons tiré les leçons. Jusque-là, nous avions toujours fait la guerre une semaine de trop. Cette fois, nous avons su nous arrêter à temps», poursuit-il. «En 2008, la machine de guerre avait été plus massive et moins précise. Grâce à Iron Dome, à des munitions soph


 



 

 

istiquées et à des renseignements très fiables, les frappes ont été ciblées et limitées. Les expériences précédentes nous ont beaucoup aidés à maîtriser la conduite de la guerre asymétrique.»
En important la guerre au c�?ur des villes israéliennes, le Hamas a imposé une révision de la doctrine militaire. «Celle-ci affirmait qu'il fallait porter la guerre hors des frontières d'Israël, un pays trop petit pour supporter des attaques contre ses villes. Les roquettes palestiniennes ont infligé une nouvelle réalité et généré une grande incertitude», explique Asher Susser, spécialiste du Moshe Dayan Center. Le «Dôme de fer» a permis d'infléchir la tendance.
Un système onéreux


En Israël, pourtant, personne n'avait misé sur un tel succès. Surtout pas les militaires, qui s'étaient opposés, il y a quelques années, à ce projet défendu bec et ongles par l'ancien ministre de la Défense Amir Péretz. «Les généraux préfèrent généralement l'offensive à la défense. Mais Péretz habitait Sderot, une ville proche de Gaza, régulièrement visée par des roquettes. Il s'est battu pour leur imposer son intuition», explique le chroniqueur militaire du Haaretz. Jonathan Medved, spécialiste des start-up et du high-tech, n'en revient toujours pas. «La cinquième batterie, celle qui a défendu Tel-Aviv, ne devait être déployée que début janvier. On a réussi l'exploit de la terminer en 48 heures! Et elle a servi trois heures seulement après son installation...»
Il en faudra pourtant davantage pour rendre Israël invincible. Car le «Dôme de fer» a aussi ses faiblesses. Les batteries ne peuvent pas intercepter de projectiles au-delà de 75 kilomètres. Elles ne défendent pas les zones situées tout près des zones de tir. Son efficacité, qui vient d'être prouvée contre le Hamas de Gaza, est loin d'être acquise face au Hezbollah libanais. Avec son arsenal évalué à 60.000 roquettes et ses puissants missiles, la milice chiite libanaise est en effet capable de saturer le sys­tème de défense antimissile israélien.
Malgré l'aide financière américaine, l'Etat hébreu ne dispose pour l'instant que de cinq batteries. La protection coûte cher: 50.000 dollars pour chaque interception. Il y en a eu 500 lors de la dernière opération. De nouveaux systèmes de défense antimissile, notamment «David Sling», capables de protéger le pays de l'arsenal du Hezbollah, ont été commandés. Mais ils ne seront pas opérationnels avant plusieurs années. «Ce serait une erreur de croire que la population d'Israël est désormais totalement protégée», prévient Amos Harel. Si la guerre est la continuation de la poli­tique, la relance du processus de paix est sans doute un meilleur bouclier que le «Dôme de fer».


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