COVID 19 : LA QUETE JUDICIAIRE DE SOPHIA AYACHE
Contaminée lors du au Covid-19, son père en étant décédé, Sophia Ayache, ancienne élue, à Montpellier poursuit en justice des Ministres devant la cour de justice de la République pour homicides involontaires.
Publié : 23 mai 2021 à 17h59 par Gamal Abina
Crédit : Photo LB
Professionnellement, Sophia Ayache est psychologue dans le domaine des risques psychosociaux et la prévention routière. Elle assure également des accompagnements dans le cadre de thérapies brèves. Elle a été élue municipale à Montpellier de 2014 à 2020 et a occupé les fonctions d'adjointe au maire, chargée des délégations de la jeunesse, de la vie étudiante et du handicap.
C’est sur sa plainte, auprès de la Cour de justice de la République, que le 15 octobre 2020, des enquêteurs prennent d’assaut les bureaux et domiciles de ministres, anciens ou en exercice.
Il en est ainsi de la saisine des dossiers de l’ancien Premier ministre Édouard Philippe, de l’ancienne ministre de la Santé Agnès Buzyn, de l’ex-porte-parole du gouvernement Sibeth Ndiaye, de l’actuel ministre de la Santé Olivier Véran, du directeur général de la Santé Jérôme Salomon et de la directrice générale de Santé Publique France, Geneviève Chêne.
Pour France Maghreb 2, Sophia Ayache se confie à Gamal Abina.
Bonjour Sophia, vous avez été parmi les premières personnes contaminées pendant la première vague de la crise COVID 19, au moment où vous étiez encore conseillère municipale, lors votre participation à l’organisation de l’élection des élections municipales de Mars 2020. Quand avez-vous contracté le virus et comment l’avez-vous transmis à vos parents, dont votre père malheureusement décédé dans la foulée ?
Pour ce qui est du contexte de contamination, je pense que je vais d'abord recadrer les choses sur un plan beaucoup plus général. Je pense qu'il est important de resituer le contexte (mars 2020) et de préciser que nous avons tous été confrontés à un stress généré par la nouvelle situation qui était particulièrement anxiogène et liée à cette pandémie. Ce stress a été amplifié par les stratégies de communication de l’État, que je qualifie de perverses. Ces stratégies étaient basées sur le déni de la réalité, le double discours, des injonctions paradoxales, et des non-dits. Le maintien des élections municipales, dans des espaces clos, est une illustration de ces injonctions paradoxales puisque, on a assisté « en même temps », à la fermeture des bars, des écoles et au maintien des élections. Ainsi, le mardi, un confinement total est annoncé et le dimanche les bureaux de vote sont ouverts. Plus grave encore, il a été déclaré que le masque ne servait à rien. Nous avions, pourtant, signalé par courrier qu'il n'était pas raisonnable de maintenir ces élections.
Nous avons donc tiré la sonnette d'alarme sans aucun retour. Moi pour ma part, j'ai mobilisé 20 bénévoles qui, par amitié ou par engagement politique se sont rendus dans les bureaux de vote, le ventre noué, faut-il le préciser, et dans un état d’angoisse prononcé. Certains ont d’ailleurs, malheureusement, contracté le covid après la tenue des permanences des bureaux de vote où je les avais affectés.
Est-ce que vous étiez en confiance quand on vous a donné les directives pour aller aux élections, et est-ce que vous mesuriez les risques que vous preniez par rapport à cette maladie.
En ce qui me concerne, adjointe au Maire, j’ai présidé un bureau de vote, où j'ai appliqué toutes les mesures sanitaires, qui se sont avérées insuffisantes puisqu'on était dans un espace clos, et que les citoyens n'avaient pas de masques. Manifestement, les masques (chirurgicaux) que nous portions protégeaient les autres citoyens, sans fiabilité pour nous. Pendant le processus électoral, Il y a eu des contacts indirects, entre citoyens électeurs et les membres des bureaux de vote, notamment, la manipulation des rideaux, des isoloirs, le toucher au niveau des surfaces.
Pour moi il s'agit clairement d'une faute et il revient au juge effectivement et à la justice d'évaluer si cela relève du pénal mais au nom du bon sens en sachant que le deuxième tour n'aurait pas lieu, la protection des citoyens aurait dû être une priorité.
Comment avez-vous vécu la contamination et en avez-vous eu des séquelles ?
Avez-vous pris des initiatives à la suite de votre contamination et votre guérison ?
Mon combat s'actualise aussi autour d'une association. Donc j'ai créé l'association Covid-19 Montpellier, nous sommes sollicités par des personnes qui souffrent d'isolement, des personnes qui souffrent de symptômes post covid. Pour l'avoir vécu et séjourné plusieurs fois aux urgences, je n'avais pas pu avoir des réponses claires et j'ai dû solliciter de nombreux professionnels.
J'ai eu une rééducation jusqu'au début du mois de septembre pour pouvoir remarcher parce que j'avais perdu ma mobilité. J'ai dû rencontrer un gastro-entérologue, un cardiologue, un pneumologue, un neurologue un ophtamologue au service de médecine de rééducation à l'hôpital et un angiologue, enfin voilà les symptômes post covid étaient très lourds et très polymorphes, donc voilà on a ouvert une écoute pour pour les personnes qui ont besoin de soutien psychologique durant cette phase là ainsi que les personnes isolées. Cette période génère de la souffrance à différents degrés pour des raisons de santé mais aussi pour des raisons économiques, de deuil et donc pour les plus vulnérables, c'est une période qui est particulièrement agressive et donc on apporte notre aide à la fois psychologique et puis une aide concrète à travers des actions solidaires, notamment de la distribution de produits de première nécessité pour les étudiants. On réalise des maraudes auprès des SDF on distribue des masques aux SDF qui malheureusement ont été verbalisés pour non port du masque ce que je trouve scandaleux et voilà donc je continue mon combat sur le terrain à Montpellier.
À la suite du drame, comment avez-vous vécu ces instants difficiles et qu'est-ce qui vous a conduit et motivé à entamer une action en justice contre le gouvernement. Pour ce qui est de ma démarche ; eh bien, j'ai déposé plainte pour abstention volontaire à mettre en place les mesures permettant de combattre un sinistre et blessures involontaires ainsi que pour homicide involontaire, donc j'ai été entendue en Cour de Justice.
Sur 179 plaintes, 12 ont été retenues, dont la mienne et j'ai déposé plainte suite au décès de mon père et à de nombreux dysfonctionnements auxquels on a tous été confrontés.
J'ai été contaminée lors des élections, j'ai contaminé ma mère qui a été hospitalisée et sauvée grâce au protocole du professeur Raoult et puis elle a contaminé mon papa qui malheureusement est décédé le 4 avril 2020. Donc, compte tenu de ce décès mais aussi de tous les paradoxes, mensonges et incohérences auxquels on a été confrontés et qui ont généré des conséquences plus ou moins lourdes, pour tous les citoyens et face à l'inacceptable, je me suis questionnée et le seul moyen d'obtenir des réponses était d'avoir recours à une démarche en justice afin que la vérité soit révélée à tous les français.
Voilà ça c'est mon principal objectif. Le deuxième objectif c'est effectivement que, si les infractions supposées sont qualifiées en termes de responsabilités pénales, j'attends que les ministres puissent répondre de leurs actes et qu'ils soient sanctionnés. Qu'ils prennent aussi conscience que toutes les décisions qu'ils peuvent prendre peuvent aussi être soumises à examen au niveau de la justice et que l'on ne peut pas prendre des décisions à l'emporte-pièce, et puis j'espère que cette démarche permettra de prendre conscience et de tirer des leçons de ces défaillances sur le plan politique et puis au niveau plus large j'espère notamment une amélioration au niveau du système de santé.
Quelles ont été les réactions à votre initiative de dépôt de plaintes et avez-vous eu des soutiens de personnalités, d’associations et de citoyens ?
J’ai été reçue par un magistrat de la Cour de Justice au mois de janvier 2021, l’accueil a été a été très constructif. Il a décortiqué l'ensemble de mes arguments. J’ai la certitude que les magistrats sont déterminés à faire émerger la vérité et à identifier les éventuelles responsabilités pénales. Je reste donc optimiste et confiante pour la suite.
Avez-vous une visibilité sur la suite de votre action judiciaire ?
En termes d'échéances, il m’a été indiqué que d’une part, je subirais une expertise médicale et que d’autre part, les Ministres Monsieur Édouard Philippe, Madame Buzyn et Monsieur Véran seront bientôt entendus par la Cour de Justice. Cette procédure m’incite à espérer de premiers résultats concrets et une issue avant la fin de l'année 2021.
Pour terminer, envisagez-vous de revenir en politique avant l’issue du procès de la cour de justice de la République qui risque de prendre de nombreuses années ?
Pour le moment, je n'ai pas d'objectifs politiques immédiats. J'ai acquis une expérience de six années très enrichissantes. Je me suis engagé parce que j’ai rencontré un mouvement politique que j’ai trouvé libre, composé de citoyens plutôt situés à gauche. Ce mouvement, regroupé autour de Philippe Saurel, un homme intègre et droit qui partage les mêmes valeurs que moi, m'a motivé à m'impliquer. Aujourd’hui, je suis inquiète au vu de la configuration politique, et des stratégies de focalisation sur les questions religieuses, qui permettent d'éviter d’évoquer les sujets socio-économiques, dont le gouvernement est pourtant responsable.
La question de la disponibilité des vaccins m’interroge. La question des thromboses conséquentes à certaines vaccinations pose question.
La situation des étudiants qui se retrouvent exsangues, sans jobs me révolte. Il aurait été, à mon sens, utile de leur accorder un "RSA jeunes". Par exemple, par le rétablissement de l'ISF complet cela n'aurait pas coûté très cher. Cela aurait peut-être permis de prévenir les suicides que nous connaissons.
Je me questionne sur le maintien de l’ouverture des écoles alors qu'on continue à se contaminer.
La fermeture des lits des hôpitaux et les conditions lamentables, tant pour les patients que pour le personnel soignant me révoltent. Je contacte très régulièrement le personnel médical qui manque cruellement de moyens humains et financiers. Il y a eu une toute petite revalorisation au niveau des salaires mais qui reste nettement inférieure à ce qui se pratique dans les pays voisins en Europe.
Je suis scandalisée par le déni de la réalité que manifeste la politique actuelle qui ne consent à aucun mea culpa, aucune remise en question. Pour moi, le gouvernement donne la priorité à l'économie au détriment de la santé publique, et ceci m'inquiète et m'insurge.